Les ténèbres. À gauche, à droite, en haut, en bas. Elle était seule, perdue au milieu du néant. Depuis quelques secondes ? Quelques jours, quelques années ? Elle n'aurait su le dire... Seuls les ténèbres savaient. Silence total, obscurité sans fin. Étaient-ce là les limites de la Réalité ?
Un murmure se fit entendre distinctement. Y aurait-il âme qui vive dans cette pénombre terrifiante ? Et là-bas, était-ce de la lumière ? Oui, il lui semblait apercevoir une étincelle de ce côté. De ce côté d'où le chuchotement lui était parvenu. Malgré cette brume noire, malgré la confusion et le doute, elle suivit la lueur. La lumière. Elle se rapprochait. Des sons lui parvenaient. Était-ce...

« PUTAIN J'AI FROID ! »

Doménica s'était réveillée en sursaut, tirant vers elle la couette qui menaçait de tomber du lit. Pas qu'elle soit frileuse, mais il faisait vraiment frais ici.
... Ici ? Elle se redressa et jeta un regard furtif autour d'elle. La pièce était sombre et assez petite. Une horloge était dressée sur le mur. Tic, tac, tic, tac. Pas de fenêtre, une petite porte juste en face du lit, au dessus de laquelle une lumière stérile éclairait faiblement l'endroit. Ce n'était pas sa chambre. Pas a sa connaissance du moins.
Elle se serait bien pelotonné dans sa couverture en grognant, en espérant gagner quelques précieuses minutes de sommeil en plus, mais ce n'était peut être pas le meilleur moment pour cela. Pas en ces lieux, en tout cas.

L'inquiétude venait de la saisir. Si elle bougeait, qu'allait-il se passer ? Si elle se levait, une alarme allait-elle se déclencher ? Une boule d'angoisse montait dans sa gorge. Une part d'elle lui chuchotait de rester dans ce lit, engourdie mais bien au chaud, tandis que l'autre lui susurrait d'aller ouvrir cette porte et de s'enfuir à tire d'aile de cet endroit.
Après quelques minutes d'hésitation, elle finit par opter pour la deuxième option. Il fallait être rapide, on ne savait jamais. Partir d'ici au plus vite, et rien d'autre, c'était ce qui importait.

« Un... Deux...! »

Elle rejeta maladroitement la couverture et à peine eut-elle posé le pied à terre qu'elle s'écroula au sol, manquant d'équilibre. Son premier réflexe avait été d'ouvrir les ailes pour éviter la chute mais sans succès. Et si elle avait voulu être discrète, le cri qu'elle avait lâché en tombant aurait très bien pu la trahir.

Mais merde qu'est-ce que... Elle avait voulu s'accouder au mur pour se relever, mais ces choses-là n'étaient pas des rémiges. Plutôt des serres. À la place des ailes.
Par automatisme, elle recula. En hurlant. Par automatisme également. Ses ailes ?! Dispar...

La porte s'ouvrit à la volée à cet instant et la lumière aveugla Doménica.

« Ah ouais j'avais bien entendu du bruit ! »

Un homme venait d'entrer dans la cellule et s'approchait d'elle. Elle n'avait jamais vu de bestiole comme ça. Pas de plumes, très grand, et pas rassurant.

« VOUS VOUS ME TOUCHEZ PAS !
- Enfin, allons mademoiselle, je ne vous veux aucun mal ! »

Il la saisit par le bras pour l'aider à se relever mais elle s'écroula totalement sur lui, à son plus grand étonnement.

« Tout va bien ?!
- C'est quoi cet endroit ?! Vous m'avez fait quoi ?! Vous êtes quoi ?! HEIN ?! »

Pendant qu'elle le harcelait de questions, Doménica lui assenait des tapettes sur le bras d'une violence, ô combien inouïe, se défendant du mieux qu'elle le pouvait face à cet inconnu menaçant.

« Soyez un peu patiente enfin, vous venez à peine de vous réveiller et... AOUCH ! »

Elle venait de le mordre et à peine avait-elle fait trois pas maladroits qu'elle chuta de nouveau.

« Mais calmez-vous enfin ! Attendez je vais vous aider ! déclara-t-il en la relevant. Voilà ! Suivez-moi allez ! »

Sa deuxième chute l'avait refroidie et elle abandonna toute idée de lutte. Avec ce corps elle n'avait aucune chance, de toute façon. Elle s'accrocha donc à cet étrange personnage et marcha maladroitement à ses côtés. La porte donnait sur un couloir tout aussi modeste que la chambre. Pas super enthousiasmant. Au moins il y avait des murs, c'était bien pratique pour prendre appui.

« C'est quoi cet endroit...? se risqua-t-elle une nouvelle fois.
- Vous le saurez vite, vous le saurez vite. »

Ce type ne lui donnerait jamais les réponses qu'elle attendait. Elle se contenta donc de marcher, accoudée à lui, en gardant le silence. Elle manquait de trébucher de temps à autre, perdant l'équilibre. Ses yeux étaient rivés sur sa main. Étrange. Étrange et dégoûtant.

Finalement, l'homme s'arrêta devant une porte.

« C'est pour l'interrogatoire.
- L'interrogat...?
- Vous allez avoir des réponses, enfin, attendez ! Juste après l'interrogatoire ! »

Toc toc toc.

L'homme s'en est finalement allé après l'avoir laissée entrée, refermant la porte dernière elle. Elle avança avec précaution vers le bureau, sans cesser de fixer l'individu qui se trouvait derrière. Une drôle de bestiole lui aussi. Il ne lui inspirait pas confiance. Surtout à cause de son costume noir parsemé ça et là de vert. Vert, vert, trop de vert, et le vert c'est d'un mauvais goût, lui disait si souvent son oncle.

Doménica finit enfin par atteindre la chaise, ô soulagement. Elle s'assoit sans dire un mot et lève les yeux vers cet étrange personnage.

Son oncle était là ? Qu'est-ce que ça voulait dire enfin ?! Et on ne lui avait rien dit ?
Et de quoi parlait-il ce bonhomme ? Homo saquoi ? Mainkweh ? Où était l'intérêt à avoir quatre serres ? Des ailes c'était bien plus pratique. Enfin. Elle tendit le bras et pris le miroir avec précaution.

« Bien bien. Mais, heu... On pourrait m'expliquer ce que... »

À peine venait-elle de voir son reflet qu'elle eut un sursaut et préféra reposer le miroir sur la table.

« Et du coup c'est fini quand...? » lança-t-elle très bas, d'une voix fluette et hésitante.